Une calamité !
On peut voir à la Bibliothèque Nationale un acte du 8 janvier 1640 signé de Anne de
Hannicourt, curé de Croissy, qui fait mention de "dégâts aux cultures par les
bêtes fauves qui font plus de mal que les gens de guerre".Quand François Séguin de Patrocle, écuyer ordinaire dAnne
dAutriche, et mari de lapothicaire de la Reine, Louise dAnsse, acquit,
en 1644, la Seigneurie de Croissy-Saint-Léonard, le territoire de ce village était dans
une situation très difficile par suite du voisinage des Chasses Royales de Saint Germain,
et surtout de la Garenne du "Vézinet". Les cartes de cette époque
montrent que le célèbre et sinistre Bois de la Trahison est devenu une immense réserve
de gibier, où lon voit une dizaine de remises à grains et 2 Faisanderies.
En 1634, un propriétaire de Croissy "vendit au Roy par
son Commandement " 400 arpents comprenant la longue bande de terre au long de la
Seine jusque vis-à-vis du Pont de bois du Pecq pour lagrandissement de la Garenne.
Ce terrain, planté de grands arbres, sappelait "L'Hormeray ". Il en reste
un lieu dit "lorme de Sully".
Pour remédier "aux ravages causés et par les
fauves et par les lapins", notre Seigneur Patrocle obtint du Roi
lautorisation denclore le territoire de Croissy. En 1645, "le dist
Sieur Patrocle fit travailler à la dicte closture, et à cet effet il fit faire un fossé
de 10 pieds de gueule (largeur) et de 5 pieds et plus de fonds (profondeur),
planté de hayes vives et frésé (planté) déchalats, liez les uns
aux autres, de plus de 2500 toises de longueur. En même temps, il fit bastir 2 maisons,
lune dans les préz, lautre dans la plaine du dist terroir, où il establit
des gardes".
Ces ouvrages furent trouvés si avantageux que les habitants
consentirent à payer à leur seigneur un certain impôt pour lentretien de cette
clôture : "30 sols par arpent de vigne et cerisée (lieu planté de
cerisiers) et 15 sols par arpent de terre labourable, ensemencée, sainfoin ou pré,
de rente annuelle et perpétuelle".
Le contrat fut signé le 5 juin 1645 entre le Seigneur et ses
sujets et enregistré à la Cour le 28 août 1652, à charge pour le Seigneur de
dédommager les propriétaires en cas de dommages occasionnés par les bêtes fauves.
Les premiers ravages qui avaient ruiné la population avaient
ramené le prix des terrains en 1645 à 30 sols larpent alors que quelques années
plus tard, grâce à létablissement de la clôture, leur valeur atteignait 100 sols
et davantage.
Malheureusement, le Capitaine Gouverneur de St Germain, le
Sieur de Beaumont, pour tirer un revenu extraordinaire de la Garenne, fit pulluler une si
grande quantité de lapins, que ceux-ci vinrent à bout de la clôture "et non
seulement ils broutaient tous les choux et toutes les herbes des jardins, mais même
montaient sur les arbres et dévoraient les fruits et les feuilles".
Plusieurs procès furent engagés contre le Gouverneur mais
aussi contre le Seigneur de Croissy, et plusieurs habitants refusèrent de payer la rente
à M. de Patrocle.
Ces curieux renseignements sont contenus dans un factum
de Patrocle de 1661 que lhistorien Bondois a déjà cité dans un "Bulletin
historique".
Extrait d'un texte de A.R. MALFANTI paru en avril 1956 |